Non, ceci n'est ni un blog politique, ni un blog
féministe, encore moins un blog pornographique.
Lourd et mou, c'est pour quoi alors ?
Un "style" qui s'est construit sur le refus total des valeurs d'un système dominant, le capitalisme.
Un "style" qui trouvait dans la négation de l'apparence un refus du consumérisme.
Un "style" où le laisser-aller est symptomatique d'une attitude qui se veut rebelle, teintée de pessimisme et de mal-être.
Un "style" anti-style.
Lourd et mou, c'est grunge.
Comme vous le savez, ce mouvement est né au milieu des années 80 dans une Amérique hégémonique d'un point de vue économique et culturel, modèle dominant après l'explosion du bloc communiste.
Le rêve américain est LA valeur véhiculée auprès de la population US puis dans le monde entier, selon lequel la réussite est possible pour tous, avec du courage et de la volonté (c'est tout ?!?).
C'est le triomphe du marketing, de l'image, de la publicité. En parallèle, c'est une mise en avant des meilleurs, des "best", des "Tops", de ceux qui réussissent ou de ce qui est une réussite.
Dès les années 80, on voit apparaitre des personnalités emblématiques du pouvoir, de l'argent et de la réussite : les "Yuppies" (Young Urban Professional). Travailleurs enrichis dans la bourse (Traders), on en retrouve des représentations dans des films comme "Un fauteuil pour deux" (John Landis, 1983) ou "Wall Street" (Oliver Stone, 1987). Ce sont les porteurs des valeurs capitalistes, dans ce qu'elles ont de plus cynique et de plus vaniteux : individualisme exacerbé, (trop) forte confiance en soi, morale privilégiant la fin aux moyens, jeunisme, matérialisme.
Vous en trouvez une petite représentation très marrante ci-dessous:
Ou ici, singés par Nirvana (bon, certains ont encore conservé tous leurs poils, n'est-ce pas, faut pas pousser) :
Hmmm... et bien regardez bien nos chers Yuppies : que remarquez-vous dans leur style vestimentaire?
Eh oui, des coupes impeccables, très structurées, un style très "propre sur soi"; des vêtements stricts mais légers, pour être toujours plus rapides et efficaces.
Léger et structuré versus lourd et mou. Quel contraste ! Quelle différence d'état d'esprit !
Optimisme / Pessimisme
Dynamisme / Apathisme
Confiance/ Mal-être
Heureux / Déprimé
Extraverti / Introverti
Cela se traduit par une mise en valeur du corps grâce à des formes sculpturales d'un côté, par un reniement du corps en le couvrant par des formes floues ou mal structurées de l'autre.
Epaulettes triomphantes versus épaules tombantes, pour faire simple.
"Euhhh... ça fait pas un peu caricatural, non?" , me
direz-vous...
Oui, mais il ne faut pas oublier que le grunge a construit sa philosophie de vie en contradiction du modèle dominant. Pas à la manière des punks, qui, de part leur style sophistiqué à l'extrême, sont associés à un certain consumérisme. Plus que cela, cet anti-style et ces coupes peu recherchées se rapprochent de cette population bien éloignée du système de consommation et des codes des dominants (bien que les subissant) : les pauvres. La boucle est bouclée.
Dans ces portraits de grunges (d'époque !) immortalisés par Michael Lavine ("Grunge", photos de Michael Lavine, texte de Thurston Moore, guitariste et chanteur du groupe Sonic Youth, éditions Image Abrams, 2009), on découvre ainsi un style vestimentaire destructuré, teinté d'une attitude à la fois nonchalante et rebelle, venant comme bouleverser un ordre parfait, droit, prévisible.
Cette architecture des vêtements, je l'ai intégré dans des modèles de la collection.
Découvrez-en ici !
Bon,on va faire passer la sauce par un peu de musique: